Laëtitia Knopik  Blog diététique-nutrition  Qu’est-ce que l’anorexie mentale ? Définition

Qu’est-ce que l’anorexie mentale ? Définition

L’anorexie mentale est un trouble du comportement alimentaire (TCA) qui touche principalement les adolescentes et les jeunes femmes. Ce trouble complexe, à la frontière entre la médecine somatique et la psychiatrie, se caractérise par une privation alimentaire stricte et volontaire, souvent motivée par une peur intense de prendre du poids. L’anorexie mentale est un sujet d’étude crucial pour les chercheurs, qui s’efforcent de comprendre ses mécanismes, ses facteurs de risque et d’améliorer les méthodes de prise en charge pour favoriser des guérisons plus rapides et plus complètes.

L’anorexie mentale : Un trouble principalement féminin

L’anorexie mentale est un trouble du comportement alimentaire, au même titre que la boulimie, qui touche principalement les adolescentes et les jeunes femmes, apparaissant le plus souvent entre 14 et 17 ans, avec un pic de prévalence à 16 ans. Cependant, il n’est pas rare de voir des cas se manifester plus précocement, dès l’âge de 8 ans, ou plus tardivement, après 18 ans. Contrairement à certaines idées reçues, l’anorexie mentale n’est pas limitée à une classe sociale spécifique et affecte tous les milieux, que ce soit les familles aisées ou celles aux revenus plus modestes. Une étude épidémiologique menée en France a révélé que 0,5 % des jeunes filles et 0,03 % des garçons âgés de 12 à 17 ans ont souffert d’anorexie mentale, soulignant ainsi l’importance de ce trouble dans la population adolescente.

Historiquement, l’anorexie mentale a été documentée sous différentes formes. Les premiers cas cliniques décrits remontent au 17ème siècle, avec le médecin britannique Richard Morton qui qualifiait cette affection de « phtisie nerveuse ». Cependant, ce n’est qu’à la fin du 19ème siècle que l’anorexie mentale a été reconnue comme une maladie distincte par les médecins William Gull en Angleterre et Ernest-Charles Lasègue en France. Gull a introduit le terme « anorexia nervosa« , tandis que Lasègue a décrit le rôle des facteurs psychologiques familiaux dans le développement de la maladie. Ces pionniers ont ainsi jeté les bases de la compréhension moderne de l’anorexie mentale, bien que leurs idées n’aient pas immédiatement trouvé une large acceptation.

L’incidence de l’anorexie mentale a augmenté de manière significative au cours du XXème siècle, notamment dans les pays industrialisés. Dans les années 1990, l’incidence annuelle était estimée à 8,2 nouveaux cas pour 100 000 habitants, avec une prévalence plus élevée chez les filles que chez les garçons. Cette augmentation est souvent attribuée à des facteurs socioculturels, tels que la pression exercée par les standards de beauté occidentaux qui valorisent la minceur extrême. Les médias et l’industrie de la mode ont joué un rôle non négligeable dans la diffusion de ces idéaux de beauté, contribuant ainsi à la propagation de comportements alimentaires désordonnés parmi les jeunes.

Aujourd’hui, bien que l’anorexie mentale soit principalement un trouble féminin, il est important de reconnaître que les garçons et les hommes peuvent également en souffrir. La prévalence chez les hommes est certes plus faible, mais elle n’est pas négligeable. Les efforts de sensibilisation et de prévention doivent donc inclure toutes les tranches de la population, indépendamment du genre. La reconnaissance précoce des symptômes et une prise en charge adaptée sont cruciales pour améliorer le pronostic des patients. La recherche continue de jouer un rôle clé dans la compréhension des mécanismes sous-jacents à l’anorexie mentale et dans le développement de stratégies thérapeutiques efficaces pour lutter contre ce trouble complexe et potentiellement mortel.

Les symptômes de l’anorexie mentale

Le diagnostic de l’anorexie mentale repose sur des critères cliniques spécifiques, tels que définis par les classifications internationales comme le DSM-5. Ces critères incluent :

  • La restriction alimentaire : C’est l’un des plus évidents et problématiques symptômes. Les personnes atteintes d’anorexie mentale refusent de s’alimenter normalement et adoptent des comportements alimentaires extrêmes. Elles évitent systématiquement certains aliments jugés trop caloriques ou « malsains » et peuvent passer par des phases de boulimie suivies de comportements compensatoires tels que les vomissements provoqués ou l’utilisation de laxatifs. Cette restriction alimentaire sévère est souvent motivée par une peur intense de prendre du poids et un désir obsessionnel de minceur ;
  • Le poids : Un autre critère diagnostique important est la mesure de l’indice de masse corporelle (IMC). Pour être diagnostiqué avec l’anorexie mentale, une personne doit avoir un IMC inférieur à 17,5 kg/m². Cet indice reflète une maigreur extrême qui met en danger la santé physique de l’individu. La perte de poids est généralement rapide et drastique, résultant en une dénutrition sévère. Les conséquences physiques de cette maigreur incluent la faiblesse musculaire, les carences nutritionnelles et un risque accru de complications médicales graves ;
  • La perception de soi : Elle est également profondément altérée chez les personnes souffrant d’anorexie mentale. Elles refusent souvent de reconnaître leur maigreur et ont une perception déformée de leur corps. Malgré une perte de poids évidente, elles peuvent se voir comme étant toujours trop grosses. Cette dysmorphophobie est accompagnée d’un sentiment de contrôle excessif sur leur poids et leur corps. Elles peuvent éprouver une satisfaction morbide de leur capacité à restreindre leur alimentation et à perdre du poids, ce qui renforce le cycle pathologique de la maladie ;
  • L’absence de règles (aménorrhée) : Bien que l’absence de règles (aménorrhée) ait été retirée des critères diagnostiques du DSM-5, elle reste un indicateur clinique important de l’anorexie mentale. L’aménorrhée est souvent une conséquence directe de la dénutrition et du faible poids corporel. Elle indique un dysfonctionnement hormonal grave et peut avoir des répercussions à long terme sur la santé reproductive. Chez les jeunes filles et les femmes, la disparition des menstruations est un signe alarmant qui nécessite une attention médicale immédiate. Cette absence de règles, couplée à d’autres symptômes physiques et psychologiques, aide à établir un diagnostic complet et à mettre en place un plan de traitement approprié.

D’autres symptômes peuvent inclure une hyperactivité, un surinvestissement intellectuel, et des obsessions alimentaires.

Les facteurs de risque d’anorexie et les mécanismes

L’anorexie mentale est un trouble multifactoriel influencé par des facteurs génétiques, psychologiques, environnementaux, familiaux et socioculturels. Parmi les facteurs prédisposants, on retrouve :

  • Les traits de tempérament : Les traits de tempérament jouent un rôle significatif dans le développement de l’anorexie mentale. Les personnes atteintes de ce trouble présentent souvent un perfectionnisme exacerbé, cherchant à atteindre des standards irréalistes de performance et d’apparence. Elles possèdent également une faible estime de soi, se sentant inadéquates ou incompétentes, ce qui les pousse à contrôler strictement leur alimentation pour se sentir mieux dans leur peau. En outre, ces individus peuvent avoir des antécédents d’anxiété ou de dépression précoces, ce qui complique davantage leur relation avec la nourriture et leur image corporelle. Leur faible flexibilité cognitive les empêche de s’adapter facilement aux changements et les conduit à des comportements rigides et répétitifs, comme la restriction alimentaire stricte ;
  • Les stress précoces : Les stress précoces constituent également des facteurs de risque importants pour l’anorexie mentale. Des difficultés périnatales, telles que des complications à la naissance ou des problèmes de santé durant les premières années de vie, peuvent augmenter la vulnérabilité à ce trouble. De plus, les expériences de maltraitance ou d’abus sexuels pendant l’enfance ou l’adolescence sont fréquemment associées à l’anorexie mentale. Ces événements traumatisants peuvent entraîner une dissociation entre le corps et l’esprit, où la personne tente de reprendre le contrôle de son corps en restreignant son alimentation. Le traumatisme et le stress extrême modifient la manière dont l’individu perçoit et traite les émotions, souvent menant à des comportements alimentaires pathologiques comme mécanisme d’adaptation ;
  • La génétique : Sur ce dernier plan, des études ont identifié des variations génétiques spécifiques qui semblent prédisposer certaines personnes à l’anorexie mentale. Ces variations sont souvent liées à des troubles obsessionnels compulsifs (TOC), à la dépression et à l’anxiété, suggérant que ces conditions partagent des bases biologiques communes avec l’anorexie. Par exemple, des mutations génétiques peuvent influencer la régulation de neurotransmetteurs tels que la sérotonine et la dopamine, qui jouent un rôle crucial dans la gestion de l’humeur et du comportement. Les individus présentant ces variations génétiques sont plus susceptibles de développer des comportements obsessionnels et compulsifs autour de la nourriture et du poids, contribuant à la manifestation de l’anorexie mentale.

Les mécanismes biologiques incluent des anomalies de la neurotransmission et du circuit dopaminergique. Par exemple, chez les personnes anorexiques, la restriction alimentaire et l’activité physique intense peuvent provoquer la libération d’endorphines, créant une boucle de renforcement de ces comportements.

La prise en charge et le traitement de l’anorexie par les professionnels de santé

La prise en charge et le traitement de l’anorexie mentale par les professionnels de santé nécessitent une approche multidisciplinaire et intégrée. Cette stratégie combine des soins nutritionnels, psychologiques et médicaux pour aborder les différentes dimensions du trouble. Le premier objectif est de restaurer le poids du patient de manière progressive et sécurisée, tout en rétablissant une alimentation équilibrée. Ceci est essentiel pour éviter les complications liées à la dénutrition sévère et pour permettre au corps de retrouver son fonctionnement normal. Parallèlement, il est nécessaire de traiter la souffrance psychologique, souvent à la racine de l’anorexie, en utilisant des thérapies adaptées, comme la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) qui aide les patients à modifier leurs pensées et comportements dysfonctionnels autour de la nourriture et de l’image corporelle.

L’implication de la famille dans le processus de traitement est particulièrement bénéfique, surtout chez les adolescents. La thérapie familiale permet de renforcer les liens intrafamiliaux et de créer un environnement de soutien et de compréhension. Les parents et la fratrie sont encouragés à participer activement aux sessions thérapeutiques pour mieux comprendre le trouble et apprendre à soutenir le patient de manière appropriée. Cette approche favorise une dynamique familiale positive, essentielle pour le rétablissement et la prévention des rechutes. Des programmes spécifiques, tels que la thérapie multi-familiale, montrent des résultats prometteurs en améliorant la communication et en réduisant les conflits familiaux.

En cas de risque vital, d’épuisement familial ou d’échec des soins ambulatoires, l’hospitalisation peut devenir nécessaire. L’hospitalisation offre un cadre sécurisé pour une prise en charge intensive, tant sur le plan nutritionnel que psychologique. Pendant cette période, les patients bénéficient d’un suivi médical rigoureux pour traiter les complications physiques de la dénutrition. Un environnement structuré et sécurisé permet également de stabiliser les comportements alimentaires et d’initier un travail thérapeutique en profondeur. Cependant, le suivi à long terme, même après la sortie de l’hôpital, est important pour prévenir les rechutes et assurer une guérison durable. Un plan de soins de transition bien défini, incluant des consultations régulières et un soutien continu, est essentiel pour maintenir les progrès réalisés en milieu hospitalier.

Mon rôle de diététicienne-nutritionniste est également central dans la prise en charge de l’anorexie mentale. En tant que professionnelle spécialisée, j’évalue l’état nutritionnel de mes patients, établis un plan alimentaire personnalisé et suis l’évolution de leur récupération nutritionnelle. J’aide également les patients et leurs familles à comprendre l’importance d’une alimentation équilibrée et les guide vers des choix alimentaires sains. Dans les Hauts-de-France, que ce soit à Arras, Lens (Rouvroy), Douai, Lille, ou en téléconsultation, je collabore étroitement avec les médecins, psychologues et autres membres de l’équipe soignante pour assurer une prise en charge cohérente et intégrée.

Enfin, la recherche et l’innovation en matière de traitement de l’anorexie mentale continuent d’évoluer. Les nouvelles technologies, comme la réalité virtuelle et les applications mobiles, sont explorées pour améliorer la remédiation cognitive et le soutien thérapeutique. Ces outils permettent de créer des environnements contrôlés où les patients peuvent pratiquer des comportements alimentaires sains et gérer leur anxiété en temps réel. De plus, les approches pharmacologiques, bien que secondaires par rapport aux interventions psychologiques et nutritionnelles, sont également investiguées pour soutenir les patients souffrant de comorbidités psychiatriques. La compréhension des mécanismes biologiques sous-jacents, incluant les dysfonctionnements des circuits neuronaux et les anomalies hormonales, ouvre de nouvelles perspectives pour des traitements plus ciblés et efficaces. Une approche multidisciplinaire, associant les avancées de la recherche et les compétences des professionnels de santé, reste essentielle pour offrir un soutien complet et durable aux patients atteints d’anorexie mentale.